Avec plus 47 600 ETP sous CDI Intérimaire à travers le territoire Français, ce dispositif instauré en 2013 a trouvé sa place sur le marché de l’emploi. Depuis sa création, le cadre du CDII a beaucoup évolué, notamment avec la loi du 21 décembre 2022 qui prévoit que « la durée totale du contrat de mission prévue à l'article L. 1251-12-1 n'est pas applicable au salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l’ETT ». Concrètement, la durée maximale d’une lettre de mission, initialement fixée à 36 mois, a été supprimée. Cela veut-il dire qu’une entreprise utilisatrice peut recourir indéfiniment à un collaborateur intérimaire sous CDII ? Figurez-vous que la réponse tient en trois lettres 😉 : non… Ça mérite une petite explication… Le code du travail prévoit, comme pour les contrats de mission traditionnels, qu’un CDII « ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’EU ». Donc, bien que le législateur ait assoupli le cadre en supprimant la durée maximale de 36 mois, le CDII ne peut pas se substituer à un CDI au sein de l’Entreprise Utilisatrice (EU). De plus, le recours au CDII doit toujours être motivé et comprendre une date de début et une date de fin correspondant au besoin de l’EU. Concrètement, quel risque pèse sur les entreprises utilisatrices ? Bien qu’en CDI, un salarié en CDII peut demander la requalification de son contrat en CDI au sein de l’entreprise utilisatrice 😵… vous me suivez toujours ? La Cour de cassation a traité cette question pour la première fois dans un arrêt du 07/02/2024 et a donné raison à une salariée qui avait saisi la juridiction prud’hommale pour obtenir la requalification de ses missions au sein d’une EU et contester la rupture de la relation de travail. Après huit mois de mission temporaire au sein d’une EU, la collaboratrice avait conclu un CDII avec son agence d’emploi. À la suite de cela, elle avait ensuite poursuivi dans la même entreprise pendant plus de trois ans. La Cour a admis que la demande de requalification des missions en CDI de droit commun est justifiée, ces missions ayant eu pour effet et pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’Entreprise Utilisatrice. La plaignante avait été déléguée dans deux autres EU avant d’être licenciée par son agence d’emploi, 6 mois après la fin de la mission litigieuse. Les juges ont considéré que cette fin de mission à l’initiative de l’EU est un licenciement sans cause réelle et sérieuse car intervenu sans respect de la procédure. L’EU a ainsi été condamnée à verser à la salariée des sommes au titre d’indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Que doit-on en retenir ? Véritable outil de dé-précarisation, le CDII a permis de stabiliser la relation de travail entre un salarié et son entreprise de travail temporaire, mais n’oublions pas que le salarié conserve un statut d’intérimaire. Recourir abusivement au travail temporaire présente un risque certain, tant pour l’ETT que pour l’EU. Chaque lettre de mission doit donc être motivée, dans le respect des cas de recours énumérés par la loi, et encadrée par une date de début et de de fin. Au sein de nos agences d’emploi, nous savons que le temps passe bien trop vite, raison pour laquelle nous surveillons rigoureusement l’ancienneté de tous nos Atrihomaires. Nous les recevons en entretien professionnel à partir de douze mois d’ancienneté au sein de la même EU. À cette occasion nous alertons systématiquement l’Atrihomfirme et l’invitons à réfléchir à la suite à apporter à la collaboration. Accompagner nos clients et nos salariés en nous positionnant comme garde-fou, c’est aussi ça notre métier ! Lucie BOISARD Responsable RH du Groupe Atrihom